Valoriser l'œuvre d'art aujourd'hui: Enjeux et perspectives
Article rédigé par Amandine BAUMGARTNER (Ecofi 2013)
Vaste programme pour ce premier stammtisch de l’année. Deux visions de l’art et de ses challenges ont été évoqués grâce aux interventions d’Alain Lombard, Administrateur Général du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie et de Thomas Perron, Co-Fondateur de IDÛ Interactive Inc.
Alain Lombard nous a d’abord présenté les impératifs auxquels doivent faire face aujourd’hui les musées. Il est évidemment important d’attirer de nouveaux visiteurs. Au musée d’Orsay, 70% des visiteurs sont étrangers. Rien de trop surprenant à cela, c’est le cas de beaucoup des grands musées de la capitale. Renouveler sans cesse l’offre culturelle est au cœur des préoccupations. Et la programmation de nouvelles expositions temporaires audacieuses est l’élément pivot de cette stratégie. Cela semble fonctionner, puisque la dernière exposition Splendeurs et misères. Images de la prostitution 1850-1910 a attiré 420 000 visiteurs en quelques mois à peine.
Dans un climat où les subventions s’amenuisent peu à peu, le musée d’Orsay, comme beaucoup d’autres institutions culturelles publiques, se doit de maintenir un certain équilibre financier. Les recettes des entrées permettent de remplir un peu les caisses (et cela même si la volonté affichée est de proposer un ticket d’entrée à un tarif raisonnable par rapport à d’autres musées de même calibre à l’échelle mondiale), mais générer d’autres ressources est toujours nécessaire. Location de l’espace pour des soirées d’entreprises, prêt d’œuvres à d’autres musées à l’étranger (l’Angélus de Millet est d’ailleurs particulièrement plébiscité par les musées japonais), le musée d’Orsay ne manque pas d’imagination pour diversifier ses sources de revenus. Une partie de ces ressources, 3 millions, est allouée à l’acquisition de nouvelles œuvres. C’est un budget très limité auquel s’ajoutent heureusement les dations et les donations qui permettent encore d’étoffer la collection du musée déjà bien fournie (6000 peintures et des milliers de sculptures font partie de la collection du musée, dont 2000 d’entre elles sont exposées). D’ailleurs le musée peut se vanter d’avoir récemment accueilli par donation une impressionnante collection d’œuvres de Bonnard et de Vuillard pour un total de 30 millions.
À ces deux objectifs s’est récemment ajouté un dernier impératif, celui de la sécurité des visiteurs. L’équilibre entre accueillir les longues files de visiteurs dans le musée le plus rapidement possible, et contrôler les visiteurs fait désormais partie des préoccupations de l’administration du musée.
L’approche de Thomas Perron est quant à elle bien différente. Il s’agit également de soutenir l’art et la culture, mais grâce à la technologie.
Thomas est le Co-Fondateur de IDÛ Interactive Inc., une société qui développe des applications pour les musées. À la fois guide de visite et outil de consultation à distance des collections, ce nouveau système ringardise sérieusement le traditionnel audio guide. En partenariat avec les musées désireux de dynamiser leurs visites, Thomas crée une application qui permet au visiteur de découvrir le musée selon son envie, en approfondissant ou en sautant certaines œuvres. Les commentaires sont interactifs, ponctués de jeux et questionnaires, rendant la visite plus ludique. Sans que cela ne le soit au détriment de l’apport intellectuel évidemment. Les œuvres sont accompagnées de schémas visuels, et de design explicatifs. Quelques musées et villes souhaitant promouvoir leur patrimoine se sont déjà laissés tenter par l’aventure (le musée Hébert à La Tronche, le musée du Malgré-Tout à Treignes en Belgique, les villes de Belœil et Tréguier). Autre atout non négligeable d’un tel système de visite : l’exploitation à posteriori des datas générées par les utilisateurs. Il sera désormais possible de déterminer, chiffres à l’appui, quelles œuvres ont suscité l’intérêt des visiteurs ou celles qui ont à l’inverse été évincées du parcours de visite (cela est peut-être dû à un défaut d’éclairage, qu’il sera alors possible d’ajuster). Enfin, spécificité de cette nouvelle « app », elle peut être disponible dans de nombreuses langues et son contenu peut être adapté en fonction de la culture et de la langue considérée.
Ces deux visions complémentaires ont permis aux néophytes comme aux passionnés d’en savoir plus sur le point de vue et la vision stratégique de deux professionnels du domaine. Un grand merci à tous les deux pour leur temps et la clarté de leur intervention, ainsi qu’à Bastien Féron pour l’organisation de cette première table ronde de l’année 2016.
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